Aujourd’hui est un jour un peu difficile pour moi, j’ai perdu mon grand père. Les deuils on a parfois le temps de s’y préparer ( difficilement ), mais souvent ça nous tombe dessus sans crier gare. C’est le cas pour moi. A 95 ans mon grand père était plus lucide que jamais, et malgré la fragilité d’un corps fatigué son amour pour sa vie simple le portait à travers les années. Il vivait à l’autre bout de la France, je ne l’avais pas vu depuis 2007. Je n’ai pas vu le temps passer. Et 2007 est en fait si loin… Il était la seule personne avec qui j’échangeais plusieurs fois par an de longues lettres, « comme avant« . J’adorais ça. Moi qui adore écrire, je trouve qu’on en a rarement l’occasion avec un papier et un stylo de nos jours. Les claviers et les écrans ont remplacé ces objets si simples, maintenant délaissés. Pourtant je me rendais compte à quel point j’y tenais à cette écriture à l’ancienne, quand le moment était venu de lui souhaiter la bonne année, de lui raconter les nouvelles péripéties de ma vie, ou de lui annoncer la naissance de ma princesse. Ma grand mère, elle, n’aime pas vraiment communiquer: alors il signait à sa place. Délicate attention pour la femme qu’il a toujours aimé. J’adorais ça aussi. Mon grand père était un homme généreux et profondément gentil. Il avait une vie simple, tranquille, avec juste l’essentiel pour être heureux. Une vie que notre génération ne pourra pas connaître. Je le regrette vraiment. Je l’envie même. Il ne connaissait pas le stress, l’envie, la jalousie. Il se contentait de ce qu’il avait. Sa jolie ferme, l’amour de sa vie, et ses enfants chéris. Pourrions-nous en faire autant?
Il nous a laissé un trésor inestimable: depuis son mariage en 1947 il a commencé à raconter chacune de ses journées sur un petit carnet. C’était son rituel le soir. Aujourd’hui ses carnets sont bien à l’abri, et à travers leurs nombreuses pages toute l’histoire de ma famille défile. L’annonce d’un rendez-vous médical où l’on devine que mon oncle venait de débuter son existence, l’achat de sa première voiture, ou tout simplement le récit de son travail du jour à la ferme… je me passionne à lire ces lignes un peu jaunies par le temps que mon Papa nous scanne scrupuleusement chaque dimanche, une manière de rendre immortelle une époque maintenant lointaine, que je n’ai pas connue. Mais je sais déjà que dans son carnet de 1988 une petite ligne, perdue entre d’autres plus banales, raconte ma venue au monde… Et 29 ans plus tard son dernier carnet, le plus précieux, mentionne un certain soir d’août 2017 la naissance d’une petite Aïnoha. Je suis heureuse qu’il ai pu l’écrire, qu’il ai pu la découvrir en photos jusqu’au mois dernier, dans mon dernier courrier. Mon grand regret sera que ma fille ne l’ai pas connu, qu’elle n’aura jamais de photo d’elle avec son extraordinaire arrière grand-père. La vie quotidienne et la distance auront eu raison de cette relation pourtant bien ancrée dans les cœurs.
Le temps… parfois il file plus vite qu’on ne le voudrait, parfois il s’étire inlassablement comme un long chewing-gum, et nous paraît si long. Mais il continue sans cesse sa course, infatigable. Parfois on le voudrait mais on ne peut l’arrêter. Alors par défaut on lui court après, on essaie tant bien que mal de tenir le rythme. Parfois il se laisse apprivoiser, parfois il s’échappe. Il est comme ça, un brin joueur. J’aime des fois me prendre à son jeu, essayer de le surprendre, d’anticiper son évolution. Mais je ne gagne pas à tous les coup, la preuve. Aujourd’hui le temps a gagné, il m’a prise de court. C’est le jeu, je dois l’accepter. Mais ça fait mal. Je n’aime pas perdre. Pas contre lui.
Le temps nous apporte beaucoup de choses, mais il aime aussi nous les reprendre. Il peut nous apporter l’amour et la joie, et nous offrir de la peine le lendemain. C’est une loterie, on ne sait jamais ce qu’il nous prépare. Le temps a emporté ma Tamara, puis m’a offert ma jolie Aïnoha. Il m’a repris mes deux grands-pères, mais me donne la chance de vivre une magnifique relation avec ma grand mère chérie. Avec lui c’est « 50/50 ». C’est comme ça. Je l’accepte. J’espère simplement qu’il sera clément avec moi, qu’il me laissera le bonheur de profiter encore longtemps de ce qu’il m’a donné. Encore quelques instants, avant de me les reprendre. Qu’il me laisse profiter de mon bébé bonheur avant de me la transformer en jeune femme indépendante, qu’il m’accorde son maximum avec ceux que j’aime, qu’il ne soit pas trop dur avec moi. Je lui resterais reconnaissante, jusqu’à présent il a tant fait pour moi. Il m’a gâtée, m’a apporté tout ce dont j’espérais. J’espère qu’il continuera à bien m’aimer, et qu’il ne réclamera pas trop de contreparties. C’est décidément trop douloureux.
Aujourd’hui je prends donc le temps. D’abord parce que malgré la distance je veux que mes pensées soient pour ma famille qui vit actuellement un moment bien difficile. Mon Papa enterre son Papa. J’ose à peine imaginer sa douleur. Et puis parce que je réalise que pris dans le tourbillon du quotidien on en oublie bien vite l’essentiel. C’est fou qu’il m’ait fallu cet électrochoc pour le comprendre. Pourtant j’y accorde de l’importance, du moins je le pensais. J’aime profiter de ceux que j’aime. Mais ce que je fais ce n’est pas assez. Alors aujourd’hui, car je sais qu’il me faudra bien reprendre mon rythme effréné, je stoppe tout. Littéralement. J’ai mille choses à faire, un voyage à préparer, des démarches administratives à boucler. Mais STOP. Aujourd’hui je ne ferais que deux choses: veiller au bien être de ma puce, l’écouter, profiter d’elle. Puis me faire du bien, m’écouter aussi. Je vais flâner, jouer, et me regarder un film tiens quand il sera l’heure de la sieste. Parce que nous le méritons bien.

Prenons le temps, n’oublions pas l’essentiel. Prenons le temps de les regarder grandir, arrêtons-nous un instant pour jouer avec eux. Prenons le temps de nous ennuyer, de laisser notre imaginaire s’évader. Prenons le temps de nous faire de bien, de faire ce qu’il nous plaît. Prenons le temps de vivre, de la manière la plus authentique possible. Agrippons le temps avant qu’il ne s’échappe à nouveau…
Sincères condoléances.
Article magnifique, qui nous rappelle que nos aînés ne sont pas immortels… Hier c’était l’anniversaire de ma Grand-Mère 93 ans au compteur, malheureusement la santé n’est plus vraiment là … Chaque appel me rappelle comme sa mémoire lui fait défaut, c’est un vrai crève-cœur.
J’aimeAimé par 1 personne
Je te remercie. Oui il faut profiter d’eux au maximum!
J’aimeAimé par 1 personne
Courage et toutes mes condoléances … je m’en vais au Canada bientôt voir ma grand-mère avec ma mère et mes deux derniers qui ne la connaissent pas encore .. elle est pas en très bonne santé .. le seul grand parent que j’ai encore .. ce n’est pas facile ces moments là .. je fais un max pour que mes enfants puissent profiter d’elle, leur arrière grand-mère ! Courage et très bel article 🙂
J’aimeJ’aime
Je te remercie. Bon voyage au Canada et profites un maximum 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Merci 🙂
J’aimeJ’aime